Un point de passage ancien…
Le site où prend place le projet de plateforme multimodale de Vigneux bénéficie d’une vocation portuaire très ancienne. Dès le XVIIe siècle, plusieurs témoignages attestent de la présence d’un port fluvial qui servait également à franchir la Seine par le biais de bacs au lieu dit “Port Courcel”.
Pour utiliser un pont, il fallait, soit rejoindre Corbeil, soit descendre à Choisy-le-Roi, et cela jusqu’au XIXe siècle. Lors du Second Empire, un nouveau pont est construit à Évry-Petit-Bourg. Il faut attendre le XXe siècle pour que soit construit le pont d’Athis-Mons, répondant alors à une partie des besoins de liaisons entre les deux rives. Aujourd’hui encore, les besoins de passage sont forts, ne serait-ce que pour mieux relier localement le secteur du Val-d’Yerres-Val-de-Seine avec le Nord-Centre Essonne (Athis- Mons, Orly…).
La passerelle actuelle s’explique pour d’autres raisons que celles de maintenir un passage piéton. Au milieu du siècle dernier, plusieurs mesures ont été prises pour améliorer le cours de la Seine en amont de Paris et, notamment, la construction d’une douzaine de barrages avec une écluse. Le barrage d’Ablon est l’un des douze ouvrages. Pour faire face à l’augmentation des trafics fluviaux, une seconde écluse est construite en 1910.
Une tradition d’étape fluviale
Le site a également une seconde fonction très ancienne d’étape de transport fluvial. Jusqu’à la fin du XIXe siècle, “le Port de Vigneux” est une étape fluviale incontournable, du fait de l’importance de la voie d’eau dans les moyens de transports.
Des premières sablières aux sables du métropolitain
En 1869, commence l’exploitation des premières sablières de Vigneux, sur le terrain de la famille de Courcel, par deux entrepreneurs de travaux publics : les frères Eugène et Ernest Picketty. Les terrains alluviaux se révèlent en effet propices à ce type de valorisation du site, alors inondable et peu fertile.
Cette exploitation des sablières va surtout bénéficier de la mise en chantier du métropolitain qui utilise l’essentiel des sables, au fur et à mesure de leur extraction, d’une part, et qui nécessite l’évacuation des matériaux de déblai, d’autre part. Ainsi, les chalands assurent l’évacuation des déblais au lieu de remonter à vide comme par le passé. Le creusement du métro est d’autant plus intéressant que les matériaux récupérés servent à remblayer les excavations produites par l’extraction du sable.
Progressivement, le site de Vigneux s’est donc retrouvé remblayé et la Compagnie des Sablières de la Seine (C.S.S.) a déplacé ses sites d’exploitation plus loin, en Seine-et-Marne.
Développement urbain de Vigneux
À l’origine de la commune, il convient de retenir la propriété de l’abbaye de Saint-Victor en forêt de Sénart, au XVIIIe siècle dans le village Vic-Neuf (Vicus-Novus).
Vigneux reste jusqu’à l’arrivée du chemin de fer un village surtout marqué par la présence de plusieurs domaines : le Port-de-Courcel, la Longue-Raie, le Château Frayé, le Château de Vigneux…
La création de la gare de Vigneux est un élément décisif dans l’histoire de la ville après l’exploitation des sables. La gare permet alors le développement des lotissements et, dans les années soixante, des immeubles collectifs.
Le projet du port
Le projet du port s’intègre dans un projet urbain de reconquête du site, d’intégration urbaine et de développement cohérent et qualitatif jusqu’aux rives de la Seine.
Morphologie du site
Le site s’inscrit dans la vallée de la Seine, dans le prolongement des plateaux d’Orly et de Melun-Sénart.
Ce terrain plat relie les deux reliefs alentours : le coteau d’Athis-Mons à l’ouest et le coteau de Villeneuve-Saint-Georges à l’est.
Carte des paysages
La carte des champs visuels montre que deux grands points de découverte visuelle du site sont à retenir : la vue des coteaux d’Athis-Mons et la vue des tours de la Croix Blanche.
Les barrières visuelles en périmétrie du site et situées au niveau du sol sont : le bois des rives de Seine du château de Courcel, le talus SNCF et le lac Montalbot.
Le site de la future plateforme portuaire de Vigneux prend place dans un site très enclavé et comprenant, essentiellement, des friches ou des zones de dépôt :
- au sud, le site boisé du château du port de Courcel,
- au nord, une zone d’activités.
Les grands paysages marquants sont ceux de l’habitat collectif de la Croix Blanche et ceux des nappes pavillonnaires environnantes (château Fraye, Ablon-sur-Seine…).
L’écoulement des eaux
La carte de l’écoulement des eaux montre que les terrains destinés à l’implantation sont compris intégralement dans la zone de grand écoulement. L’urbanisation du futur port conduit à prendre des mesures compensatoires pour l’écoulement des crues.
Parti d’aménagement
La présence du barrage-écluse d’Ablon impose des contraintes liées à la navigation à l’amont et à l’aval de cet ouvrage, qui rendent difficile l’utilisation des berges pour des besoins portuaires.
Par ailleurs, l’aménagement de l’ensemble de la zone, nécessite l’adoption de mesures compensatoires pour conserver les capacités d’écoulement des crues du fleuve.
Nous avons donc décidé de procéder au creusement d’une darse intérieure qui permettra de développer un front d’accostage et de positionner, tout autour, les diverses activités industrielles. De ce fait, la berge sur Seine devient disponible pour d’autres usages et accueillera une large promenade paysagée. Ce parti d’aménagement devrait permettre d’intégrer, au mieux, le projet portuaire dans le site.
Un projet urbain et paysager
Les lieux de qualité du site sont ouverts sur la ville par des cheminements routiers et piétons-cyclistes.
L’accès principal au parc public des rives de Seine et à la perspective du centre de vie, vers le bassin portuaire, devient l’élément structurant du paysage.
Les activités tertiaires (services, banques, postes…) au sud-ouest, sont placées à proximité de la gare.
Le long des quais est aménagée la zone de logistique multimodale et de BTP, et au sud-est, le long de la voie ferrée, le parc industriel.
Le centre de vie (services de proximité, services aux entreprises et aux personnes, restaurant, bureaux du port) est au cœur du site. Il est orienté au sud-ouest vers la perspective de la cascade, au nord-est vers la perspective du bassin portuaire, sur son axe nord-ouest / sud-est, vers l’écluse par le mail public piéton.
Le principe général adopté est : disposer les bâtiments de la plus petite d’échelle en bordure de la promenade publique du bord de Seine, avec un large espacement, et constituer, ainsi, un parc d’activités paysagé qui s’intègre au paysage de la Seine.
La conception du paysage du site exploite ses deux points forts : les rives de Seine et les plans d’eau du bassin portuaire -la darse- ainsi que du bassin de compensation. Un réseau de cheminements les relie et constitue une grande promenade publique qui recoupe les entités bâties. La maille du plan est structurée par des plantations d’alignement, qui en quelques années, imposeront leur présence végétale. L’ensemble du traitement des espaces non bâtis, conçus dans la logique de la ville, confère au site un paysage de qualité.
Une liaison piétonne, sous les voies ferrées, permet de rejoindre les berges paysagées de la fosse de Montalbot.
La promenade au bord de la Seine, espace majeur du projet de paysage, conçue avec la paysagiste Katrin Gustavson, est dimensionnée avec ampleur (cinquante mètres de large) et composée par un jeu de terrasses et de plantations. À son extrémité, une passerelle mène à un square, à la pointe formée par la darse et la Seine. Cette scénographie constitue un jardin attractif et un paysage en harmonie avec le fleuve.
Michel MACARY
Architecte